Ælia Lælia Crispis

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La stèle « Ælia Lælia Crispis » est une pierre tombale datant du XVIe siècle située à Bologne. Le texte de son inscription est hermétique et a donné lieu à de nombreuses interprétations.
Elle est également connue sous le nom de Pierre de Bologne[1].

La stèle et son texte[modifier | modifier le code]

Texte latin Traduction en français
D M

Aelia Laelia Crispis
Nec uir nec mulier nec androgyna
Nec puella nec iuuenis nec anus
Nec casta nec meretrix nec pudica
sed omnia sublata
Neque fame neque ferro neque ueneno
Sed omnibus
Nec coelo nec aquis nec terris
Sed ubique iacet
Lucius Agatho Priscius
Nec maritus nec amator nec necessarius
Neque moerens neque gaudens neque flens
Hanc nec molem nec pyramidem nec sepulchrum
Sed omnia
Scit et nescit cui posuerit

Aux Dieux Mânes

Aelia Laelia Crispis
Qui n’est ni homme ni femme ni hermaphrodite
Ni fille, ni jeune, ni vieille,
Ni chaste, ni prostituée, ni pudique
Mais tout cela ensemble
Qui n’est ni morte de faim, et qui n’a été tuée ni par le fer ni par le poison
Mais par ces trois choses
N’est ni au ciel, ni dans l’eau ni dans la terre
Mais est partout
Lucius Agathon Priscius
Qui n’est ni son mari, ni son amant, ni son parent
Ni triste ni joyeux ni pleurant
Sait et ne sait pas pour quoi il a posé ceci
Qui n’est ni un monument ni une pyramide, ni un tombeau.

Hoc est sepulchrum intus cadaver non habens

Hoc est cadaver sepulchrum extra non habens
Sed cadaver idem est et sepulchrum sibi

C’est-à-dire un tombeau qui ne renferme pas de cadavre,

Un cadavre qui n’est point renfermé dans un tombeau
Mais un cadavre qui est tout ensemble à soi même et cadavre et tombeau[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

La stèle a été érigée par Achille Volta, grand maître de l’Ordre des Chevaliers de la Mère de Dieu, ordre plus connu sous le nom de Frati Gaudenti, au milieu du XVIe siècle, dans un prieuré de l’ordre, Santa Maria di Casaralta, près de Bologne. Les premières traces écrites de l’existence de cette stèle datent d’environ 1560, alors que Marc Antoine Volta était grand maître de l’ordre[3].

Au XVIIe siècle, un descendant d’Achille Volta a fait recopier la stèle, car l’original était devenu presque illisible, en faisant supprimer les trois dernières lignes du texte mais celles-ci ne furent pas perdues car elle se trouvaient dans plusieurs ouvrages.

La stèle se trouve maintenant dans un musée de Bologne, le Museo civico medievale où une exposition et des conférences, lui ont été consacrées au cours de l’été 2000.

Interprétation du texte[modifier | modifier le code]

De nombreux érudits, alchimistes pour la plupart, se sont penchés dès le XVIe siècle sur le texte en espérant y trouver une signification : Richard White de Basingstoke de l'Université de Douai, Ioannes Turris de Brugge, Nicolas Reusner, Franciscus Scottus d’Anvers, Ulisse Aldrovandi en particulier Athanasius Kircher mais l’interprétation qui eut le plus de retentissement est celle de Nicolas Barnaud[4].

Dans son livre Aelia Laelia Crispis non nata resurgens publié à Bologne en 1683, Carlo Cesare Malvasia cite déjà 43 auteurs qui essaient d’interpréter le texte de la stèle. Ces essais d’interprétation continuent au XXe siècle où Carl Gustav Jung écrit également sur le texte de la stèle[5].

« Disons tout de suite que cette épitaphe est un non-sens, un canular… Néanmoins bien que l’épitaphe paraisse dénuée de sens et insipide, elle devient signifiante quand nous la regardons comme une question que se sont posée des gens pendant plus de deux siècles. Qu’est ce donc ce que l’on ne comprend pas et que l’on ne peut exprimer que par des paradoxes impénétrables ? »

L’interprétation alchimiste la plus courante est de considérer que Aelia Laelia Crispis symbolise la pierre philosophale.

D’autres interprétations font état de la mode ésotérique qui fleurissait en Italie au XVIe siècle et la rapprochent des inscriptions hermétiques des Jardins de Bomarzo.

Littérature[modifier | modifier le code]

Walter Scott en Grande-Bretagne, dans « L’Antiquaire » et Gérard de Nerval en France sont parmi les auteurs qui citent ou utilisent Ælia Lælia Crispis dans leurs œuvres.

Deux textes de Nerval utilisent le mystère entourant l’inscription :

  • Le comte de Saint Germain [1]
  • Pandora [2]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Umberto Cordier, Guida ai luoghi misteriosi d'Italia, Piemme, Alessandria, 2002.
  • Serena Bersani, 101 donne che hanno fatto grande Bologna, Roma, Newton Compton, 2012

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ce nom prête à confusion avec la pierre de Bologne, qui est un minerai phosphorescent trouvé dans la région de Bologne et également objet de théories alchimistes.
  2. Traduction dans « Le comte de Saint Germain » de Gérard de Nerval
  3. Ioannes Turris de Brugge est souvent cité comme le premier à avoir écrit sur le sujet en 1567 mais on trouve également Richard White of Basingstoke
  4. (la) Nicolas Barnaud, Commentariolum in aenigmaticum quoddam epitaphium, Bononiae studiorum, ante multa secula marmoreo lapidi inculptum, Leyde, Thomas Basson, (lire en ligne)
  5. Mysterium conjunctionis vol.1